Le Grain du CAD

Numéro 1 - juin 2017

Il faut choisir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu'on les poursuit.
William Faulkner

PARLONS ABSTENTION

Ça y est, la grande affaire de l’année a abouti. Après moult péripéties, avec ce qu’il faut de coups de théâtre et de rebondissements, à l’issue d’un suspens digne des meilleurs épisodes de Julie Lescaut, les urnes ont rendu leur verdict. Avec 66 % des suffrages, monsieur Emmanuel Macron, l’ancien ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique du gouvernement sortant a décroché la sainte ampoule pour tout changer et remettre la France "en marche". 35 millions 467 327 personnes se sont déplacées pour effectuer leur "devoir de citoyen". Le quota d’inscrits restants, qui n’ont pas estimé que le plus important c’était de participer, la vox Dei (entendez les faiseurs d’opinion de la classe médiatico-politique) les a tous mis comme d’habitude dans le même panier : celui des désengagés, des indifférents, des à-quoi-bonnistes, des dégoûtés, en un mot, de la chose publique. Il y aurait donc dans notre beau pays de France plus de 12 millions de pessimistes désabusés ? Pas tout à fait, car une petite frange, et peut-être même pas si petite que ça, de ceux qui n’y sont pas allés le 7 mai dernier ont la conviction d’avoir exprimé en restant chez eux leur véritable opinion politique. La frange dont nous parlons ne s’est en effet en aucune façon abstenue de voter par désabusement. Désabusés de quoi ? Désabusés de qui ? De l’illustre Général qui nous promettait jadis tous les matins de ne pas nous abandonner ? De monsieur Mitterrand qui affirmait que les Français avaient besoin de se sentir aimés par celui qui les gouvernait ? De l’alchimie entre un homme et un peuple que prétendait réaliser ensuite monsieur Chirac ?... de l’histoire d’amour "presque" charnelle qui a failli arriver entre monsieur Fillon et ceux qui ont voté pour lui ?

Non seulement nous n’avons jamais cru à ces fariboles, mais nous voulons croire que le temps de ceux qui les ont prononcées est révolu. Notre idée à nous c’est qu’il n’y plus lieu d’élire en France, ni ailleurs dans le monde, aucun président. Nous n’attendons pas qu’on bâtisse des projets pour nous. Nous pensons avoir assez d’imagination pour le faire tout seuls. Nous nous croyons capables de mettre en place collectivement d’autres formes d’organisation sociale que cette pyramide étatique qui nous a toujours causé plus de tort qu’elle ne nous a fait du bien. Nous pensons que le pouvoir corrompt ; que le nationalisme est une maladie infantile (« la rougeole de l’humanité » disait Einstein) ; que la commune doit remplacer la centralisation et la planète les nations ; que le règne de la majorité est par nature oppresseur pour les individus ; que le contrat librement consenti est préférable à l’autorité ; que faire de la politique ne consiste pas essayer d’accaparer le pouvoir et le contrôle de la police, ni à aller mettre un petit papier dans une boite lorsqu’on nous le demande, mais que c’est se battre chaque jour et partout, par tous les moyens et sans désemparer, pour sa dignité, ses droits et sa liberté... bref, nous pensons qu’il est temps de passer à autre chose. Raymond Poincaré, car tous les présidents n’ont pas traversé leur septennat avec des écailles devant les yeux, a dit dans un moment de lucidité que seule la beauté du jardin de l’Élysée lui permettait de supporter le poids de ses responsabilités dans la tristesse de sa prison. Nous, nous disons : « Ouvrons les portes de toutes les prisons ! »

Patrick

INTERVIEW
Antonio Altarriba

A l’automne dernier, Antonio Altarriba est venu au CAD nous parler de L’art de voler et de L’aile brisée, deux de ses romans graphiques qu’il a créés avec le dessinateur Kim et dédiés à ses parents. La rencontre a donné lieu à un chaleureux partage d’émotions et d’idées sur les enjeux affectifs et politiques de son travail mais aussi sur les questions que posent à l’artiste qu’il est, la transmission de ces mémoires intimes.

Dans L’art de voler, œuvre qu’il a publiée en 2009, Antonio Altarriba raconte la vie de son père. Á la première personne, il fait revivre un homme fragile et courageux, soulevé par l’espérance libertaire de la révolution sociale dans l’Espagne de 1936. Un homme qui a tenté d’opposer à la grande hache de l’Histoire et face à l’adversité ordinaire un irréductible désir de liberté. Jusqu’à cet ultime envol où il choisit, à son heure, de se délivrer du poids de la réalité.

Dans L’aile brisée, c’est l’histoire singulière de sa mère qu’Antonio Altarriba révèle et illumine. Nous prolongeons l’échange avec lui grâce à l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder.

CAD - Tu retraces dans L’art de voler comme dans L’aile brisée des trajectoires individuelles nouées à la grande Histoire, qui s’incarne pour toi au plus près de ta vie intime. Tu choisis de nous la raconter vue d’en bas à partir d’un engagement personnel où tu assumes totalement la subjectivité de ton récit. Peux-tu expliquer ce qui fait pour toi la nécessité de cette démarche autobiographique ?

Finalement, la grande Histoire et la petite Histoire ne sont pas séparées par une frontière bien définie. Il serait même intéressant de fixer à partir de quel moment la petite se fait grande et la grande petite. Les tragédies provoquées par Franco ont acquis la dimension de grande Histoire parce que, d’une manière ou d’une autre, elles ont eu des influences politiques qui se sont prolongées dans le temps. Dans l’autre sens, un grand événement n’est que l’accumulation ou la confluence de petites actions individuelles. Ma famille, comme tant d’autres, a subi les conséquences de la guerre civile et du franquisme. Les silences, les conversations à voix basse, les peurs, imprécises mais angoissantes, ont construit ma vie et influencé sans aucun doute mon caractère. Encore plus celui de mon père qui a vécu si intensément cette période si turbulente. Je pense qu’il est mort de l’onde expansive de la guerre civile, même si c’était soixante ans après la fin officielle du conflit. Dans L’Art de voler et dans L’Aile brisée, je ne fais que raconter l’histoire de mon père et de ma mère, l’Histoire d’Espagne y est inévitablement mêlée.

CAD - L’art de voler exprime à la fois admiration et compassion pour ce père libertaire, rêveur inconsolable et rebelle invétéré. Avec ce roman graphique, tu nous transmets sa mémoire et réinvente son passé. Pour atteindre la vérité sensible de son expérience, tu choisis la fiction. Peux-tu revenir sur cette alchimie d'amour qui te conduit à adopter un « je » fictif qui, par une sorte de " transubstanciation", te fait devenir ton père, t’amène à lui inventer une voix et à le rendre présent ?

Maintenant je peux y réfléchir plus rationnellement. Au moment de l’écriture cela se présentait comme une impossibilité de faire autrement. J’ai essayé à plusieurs reprises de raconter mon père à la troisième personne, « Mon père est né… » « Antonio a grandi dans un petit village… », mais je ne m’y retrouvais pas. Pire, je ne le retrouvais pas. Le récit à la troisième personne imposait une distance entre protagoniste et narrateur qui bloquait le récit. C’est alors que l’idée de la fusion m’est venue. Je pouvais raconter sa vie à la première personne. J’ai en moi tellement de choses de lui. Alors, pourquoi pas ne pas prendre sa voix ? Au fond, la synthèse du livre se trouve toute entière dans cette manœuvre de « transubstantiation ». Le livre est une déclaration d’amour. Dire « je suis toi » est une belle manière de déclarer l’amour.

CAD - La fiction de ton roman parvient réellement à sauver ce père de l'obscurité. Quel sens prend, selon toi, dans l’Espagne actuelle, ce geste d’hommage et de réparation ?

Il prend un sens historique, qui n’était pas prémédité au moment de l’écriture. Je crois que les dernières années de gouvernement du Partido Popular en Espagne ont contribué à renforcer ce sens. Il est sans doute plus évident aujourd’hui qu’au moment de la publication du livre en 2009. Le retour « fascisant » de Mariano Rajoy, avec ses ministres et ses lois, redonne un sens actuel au combat de mon père. Ce n’est pas uniquement les ressemblances dans les actions, c’est le passé qui ne cesse pas de revenir. Il ne se passe pas un jour sans que la guerre civile ou le franquisme ne soient évoqués dans les journaux. Je sens, aujourd’hui plus que jamais, la violence, même la haine de ceux qui veulent faire de l’Espagne un pays sans liberté et sans dignité. Ce sont des attaques d’une énorme agressivité exercée avec l’insolence de ceux qui n’ont pas l’habitude de rendre des comptes. On voit jusqu’à quel point les choses n’ont pas changé et les enjeux des années trente du siècle dernier sont toujours actuels. C’est le cas un peu partout en Europe, mais en Espagne cela se produit d’une manière spécialement insupportable. On constate que ce sont les mêmes familles, les mêmes élites du franquisme qui sont toujours au pouvoir. Et elles ne prennent même plus la peine à présent de se donner un vernis démocratique.

CAD - Comment ton recours à la fiction accomplit-il son désir d’utopie ?

C’est le présent qui fait que ma fiction et son utopie se rejoignent. L’ambition démesurée du capitalisme provoque la crise du système. Elle met aussi en jeu l’avenir de la planète. Cela crée un état d’urgence, sociale, écologique et économique qui va nous obliger à repenser notre manière de cohabiter.

C’est cela ou accepter le grippage plus ou moins apocalyptique. J’ai l’impression que dans cette urgence de repenser et de réorganiser notre façon de vivre, le désir d’utopie revient. Sans oublier que l’utopie (le non-lieu) peut un jour, en fonction des conditions et des convictions, avoir lieu.

CAD - Comment ce roman a-t-il été reçu en Espagne ? Et particulièrement par les enfants et les petits - enfants de ces « Don Quichotte de l’Idéal » que tu évoques dans ton récit et qui forment la famille de cœur de ton père ?

Bien. Huit ans après la publication il continue à se réimprimer. L’effet « transubstantiation » s’est propagé. Ce n’est pas seulement moi qui dis « je suis mon père ». Des lecteurs viennent me voir pour me dire « mon grand-père était ton père », « mon oncle était ton père », « mon père était ton père ». Mêmes trajectoires, mêmes souffrances, mêmes frustrations. Je me reconnais dans cette fratrie beaucoup mieux que dans n’importe quelle patrie. De toutes manières, c’est en France que le livre a le mieux marché. L’Espagne républicaine est, en ce moment et en grande partie, française.

CAD - Qu’a représenté pour toi cette rencontre au CAD, dans ce lieu où sont conservés les livres et les archives privées de Diego Camacho / Abel Paz ? Dans cette ville qui occupe, en plus, dans ta géographie personnelle, une place très importante ?

Parler au CAD cinquante ans après mes séjours à Montpellier chez Mariano Díaz et son cercle d’amis anarchistes a été pour moi toute une expérience. Étant petit, je vivais ces séjours à Montpellier comme des moments de joie très lumineux. Et ce n’était pas seulement à cause du climat ensoleillé ou des après-midis à Palavas. C’était l’illumination de l’esprit, le dépassement de certaines peurs, la déculpabilisation d’une conscience forgée (forcée) dans l’intégrisme catholique de l’Espagne de l’époque. Je vivais tout cela dans la joie et dans l’inconscience. La rencontre au CAD a servi à redonner à cette expérience sa dimension historique, à reconnaître le caractère fortement politique des forces qui me tiraillaient. Ce fut un moment très agréable avec une belle compagnie.

CAD - Avec L’Aile brisée, tu poursuis l’exploration d’une vie minuscule, celle de Petra, ta mère, elle aussi entremêlée, mais autrement, à la grande Histoire. Le titre du roman met en lumière une brisure qui t’était demeurée invisible dans la vie réelle. Tu fais de cette invisibilité du corps blessé de ta mère une métaphore. Peux-tu nous parler de ce travail de « révélation » et de réparation que tu accomplis par l’écriture ?

Sur son lit de mort, je découvre que ma mère avait un bras plié en « u », un bras qu’elle ne pouvait pas étirer. Personne dans son entourage ne s’en était aperçu, même pas mon père. C’est un fait réel tellement fort qu’il acquiert par lui-même une dimension symbolique. Non seulement de l’invisibilité des femmes et du regard que portaient les hommes sur elles mais aussi de l’habileté de ma mère et de sa conscience d’un handicap inacceptable pour la survie dans un monde très difficile pour les femmes de sa classe sociale. J’avais sur elle des préjugés à cause d’une religiosité que je trouvais excessive. J’ai mis longtemps (ce n’est que quinze ans après sa mort que je commence à écrire sa vie) à comprendre la force qui l`habitait et à la distinguer des apparences catholiques qui la recouvraient. Les femmes de cette génération n’avaient pas un discours auquel accrocher leur identité. L’Église leur offrait consolation dans la négation absolue de leur rôle social et de leur fonction historique. « Soyez rien ici, vous serez saintes dans l’au-delà ». Et ma mère y croyait.

CAD - En 2015, tu reçois le Grand Prix de la Critique pour Moi, Assassin, décerné par l’Association des critiques et des journalistes de bande-dessinée : ce roman raconte comment un professeur d’Histoire de l’Art à l’Université du Pays Basque, spécialiste de l’art cruel s’adonne à l’assassinat gratuit, qu’il considère comme l’un des Beaux-Arts. Quel lien reconnais-tu entre le bon fils de L’art de voler ou celui de L’Aile brisée et ces héros noirs ?

Moi, assassin est une fiction, pas une reconstruction historique comme L’Art de voler ou L’Aile brisée. Je ne suis plus le fils d’Antonio et Petra, je suis Enrique Rodríguez Ramírez, professeur universitaire et assassin en série. Mais ce n’est pas cet apparent mauvais rôle qui me fait forcément méchant. Camus disait « plus je m’accuse, plus je peux juger ». Je suis son conseil et c’est en m’obscurcissant que la noirceur du monde se révèle davantage. Je m’accuse déjà à partir du titre du livre. « Moi, assassin », d’accord, je l’admets. Et toi, lecteur, mon semblable, mon frère ? Parce ce que si personne ne tue, comment peut-on expliquer l’holocauste qu’est devenu le monde. On n’y participe pas comme meurtriers, mais au moins comme complices ?

Références :

L’Art de voler. Scénariste: Antonio Altarriba / Dessinateur: Kim. Editions Denoël ?Collection Denoël Graphic, 2011 ; traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco.

L'Aile brisée. Scénariste : Antonio Altarriba / Dessinateur: Kim.

Moi, assassin Antonio Altarriba / Dessinateur Keko ; traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco. Editions Denoël, 2014.

Interview réalisée par Odette pour le CAD

LE FENESTROU DE L'ANARCO

« Alors Jean-Charles, t’en penses quoi, toi, des élections ?

- Les élections ? Qu’à chaque fois c’est pire !

- Pire ?

- Ben oui ! Pire que Sarkozy, on croyait que c’était pas possible ! Boum ! Prends-toi Hollande dans la gueule ! Bon, d’accord, après on s’est dit : pire qu’Hollande, on y arrivera pas… et bang ! Chope-toi Macron !

« Macron c’est le premier président sous vide. Lui, il n’aura pas de mal pour mettre quelqu’un à l’Intérieur ! À l’intérieur de Macron, y’a de la place !

« Et tu veux encore pire ? Attends cinq ans, et bim ! t’auras la Le Pen ! Punaise, les Français, ils ont refusé la sixième République mais la quatrième dimension, ça leur fait pas peur ! Je l’entends d’ici, le banquier d’affaires, le caniche du CAC-40 : Il faut pas affoler les marchés… Il faut rassurer les marchés… Il va avoir que ça à la bouche, le gonze ! C’est pas de la politique, qu’il va faire, le Macron : c’est du rassurage de marchés ! Il va cirer les pompes aux actionnaires… que ceux-là, quand ils pissent, ils nous disent à nous qu’il pleut !

« À cause d’eux, on est entre un plafond qui s’écroule et un plancher qui s’effondre. C’est nous qu’on reçoit tout sur la gueule, on raque pour payer les réparations et en plus il faudrait les rassurer ? Qu’ils aillent se faire foutre, les marchés ! »

Jean-Charles est un personnage de l’univers de Daniel Villanova, humoriste languedocien qui, avec une verve désopilante, met en scène dans ses spectacles toute une population de "petites gens" qui défient avec leur langage populaire la morgue des puissants. Vous trouverez le programme de ses prochains spectacles sur son site.

www.daniel-villanova.com

ON A LU AU CAD

James C. Scott : L’Art de ne pas être Gouverné

De quoi ça parle ? Des montagnes de l’Asie lointaine et de l’idée qu’on a tort de penser que les populations qui y vivent sont des peuples attardés, qui n’auraient pas (encore) été atteints par ce que nous nommons "la civilisation". Notre auteur est professeur de sciences politiques à l’Université de Yale. Son propos est de nous faire découvrir toutes ces formes de résistances non organisées qui se créent, ou qui se sont créées, un peu partout dans le monde dans le dos des grandes structures hégémoniques. Les frontières politiques sont des points de vue. Scott, lui, considère une nouvelle entité territoriale qu’il a baptisée "Zomia", de la racine "zo", qui signifie "isolé" dans les langues tibéto-birmanes, et "mi" qui renvoie à l’idée de "peuple". Zo-mia, c’est donc le pays des "peuples isolés dans la montagne", un territoire qui s’étend du nord du Viêt-Nam jusqu’à l’extrémité occidentale de l’Himalaya, en passant par la Birmanie, le Laos et la Thaïlande, et qui concerne près de cent millions d’individus. Arriérés, les Zomiens ? Pas compris comment le monde fonctionne ? Pour Scott, c’est juste le contraire. Ils ont tellement bien compris, leurs ancêtres tout au moins, comment ça marchait (les impôts, la conscription, les contraintes religieuses, le travail à coup de bâton, etc.) qu’ils ont préféré se carapater dans les hauteurs. Elisée Reclus avait déjà vu la chose comme ça : la montagne comme voie de salut pour les rebelles. Les Zomiens représentent la plus grande population de la planète à ce jour toujours non réellement incorporée dans des états-nation.

Les sociétés qu’ils ont inventées à la place seraient plus libres, plus égalitaires, plus équitables entre les sexes, plus justes et plus intelligentes en deux mots, que celles des puissances politiques qui ont toujours essayé, et qui essaient encore, de les soumettre. Pas convaincus ? Voyons sur le terrain. L’été dernier, je me suis moi-même rendu dans un coin de l’Himalaya pour faire un peu de médecine. Vous savez comment on procède dans ce genre d’expédition : on arrive dans un village, on s’installe là où l'on peut et tous ceux qui ont mal quelque part viennent en chœur vous soumettre leurs maux. Taling, une petite localité dans la Pin Valley perchée à près de 4000 mètres d’altitude. Á notre arrivée, Monsieur le Maire nous a fait l’honneur de nous recevoir chez lui. Á présent, il se pointe à son tour à la consultation... et c’est là que les faits parlent d’eux-mêmes. Ni une ni deux, notre édile enlève ses vêtements et nous expose devant toute l’assistance – les autres consultants, la marmaille dépenaillée et tous les curieux venus assister au spectacle – ses grains et ses boursouflures. Vous imaginez... tiens, François Fillon par exemple, enlever son costard et déballer au grand jour ses taches et ses verrues ? Vous avez dit transparence ?

Patrick

- James C. Scott. L’art de ne pas être Gouverné, 544 pages, éditions du Seuil, 26 euros.

- La domination et les arts de la résistance : fragments d'un discours subalterne, Paris, éditions Amsterdam, 2008.

- Petit éloge de l'anarchisme, éditions Lux, 2013.

Ce que vous avez (peut-être) raté au CAD

- « L’Homme a-t-il un avenir ? » Jean-Pierre Jouventin, ancien directeur de recherche en éthologie au CNRS, est venu nous présenter son dernier livre dans lequel il s’appuie sur les découvertes les plus récentes de la science pour essayer de comprendre comment la super espèce super-prédatrice que nous sommes devenus au fil des âges est parvenue à se retrouver dans l’impasse écologique, sociale et économique que nous connaissons actuellement. L’Homme un animal raté ? Tout le monde n’a pas été d’accord, mais la soirée fut passionnante.

- Dans le même domaine, nous avons débattu à bâtons rompus de quelques questions : « Les sciences naturelles sont-elles des sciences sociales qui n’avouent pas leur nom ? » ou encore qui fabrique quoi et au service de qui ? Une vaste question qui a été là aussi débattue à bâtons rompus.

- « La Justice hors la loi » ou quelle réponse au problème de la justice dans une société libertaire où les lois ne seraient pas l’expression d’une autorité illégitime ? C’était le sujet du 37ème numéro de la revue Réfraction et c’est Jean-Jacques Gandini, avocat membre de la Ligue des Droits de l’Homme, qui est venu nous le présenter avec l’enthousiasme et la rigueur qu’on lui connait.

- « Ambiance Bois, ou le travail autrement » : Rémy Cholat, membre de la SAPO (Société Anonyme à Participation Ouvrière) est venu nous dire que oui c’était possible. Une aventure industrielle autogérée sur le plateau de Millevache qui, même si elle ne s’est pas toujours déroulée comme un long fleuve tranquille, dure depuis trente ans. Qu’est-ce que vous attendez pour essayer ?

- "La Révolution Russe de 1917" : c’est Alexandre Skirda, biographe de Nestor Makhno et grand connaisseur du mouvement anarchiste ukrainien, qui est venu nous la faire revivre ici à Montpellier à travers le parcours de Marcel Body, un militant français qui a participé en direct au soulèvement d’octobre, à la naissance des Soviets, à la redistribution des terres, à la création de la 3ème Internationale, et qui a connu aussi malheureusement l’écrasement des anarchistes par le parti bolchévique, la guerre civile et enfin la famine qui a fini de faire rendre gorge à l’enthousiasme et à l’espoir. Cela s’est mal terminé une fois de plus, mais la conférence était passionnante.

Et puis autour de l’Espagne :

- C’est avec beaucoup plaisir que nous avons accueilli à nouveau Myrtille Gonzalblo et Vincent Roulet qui pour fêter leurs dix ans de giménologie sont revenus sur le chemin parcouru depuis la sortie du livre et du feuilleton radiophonique Les Fils de la Nuit qui retrace l’itinéraire d’Antonio Gimenez, un volontaire du groupe international de la colonne Durruti dont nos deux auteurs se sont embéguinés (et nous ont fait nous embéguiner aussi). Une soirée qui a eu également beaucoup de succès. Leur dernier ouvrage A Zaragoza o al Charco ! Aragon 1936/1937, l’Insomniaque, Lagarde-Montreuil, 2016 est disponible dans toutes les bonnes librairies.

- Puis ce fut au tour d’Odette Martinez- Maler qui nous a présenté L’Espagne, Passion française, guerres exils solidarités 1936-1975, Editions Les Arènes, 2015, ouvrage qu’elle a écrit avec Geneviève Dreyfus- Armand et qui retrace, à travers les archives privées de celles et ceux qui en furent les acteurs, les solidarités tissées de part et d’autres des Pyrénées pour soutenir la Révolution sociale, les projets émancipateurs de la seconde République, la résistance au franquisme.

- Nous avons aussi regardé ensemble Un nouveau Dreyfus, un documentaire de Cyril Martin, qui tente d’apporter des éléments de réflexion sur l’instrumentalisation du racisme et de la peur de l’autre à partir du cas de Jamal Zougam, victime d’un procès bâclé après les attentats de Madrid en 2004.

- Enfin, sur le thème de la gestion directe d’hier à aujourd’hui, nous avons lu, à l’occasion des 80 ans de la Révolution espagnole, des extraits du témoignage de Miguel Celma sur la collectivité de Calenda. Nous avons échangé à propos de différentes expériences autogestionnaires similaires, telles que celles des ouvriers de Lip ou celles des zapatistes du Chiapas. Encore une fois, on vous le dit, c’est vrai que souvent ça rate, mais c’est possible !

... et pour ceux qui n’en sont pas convaincus, on vous attend à la rentrée pour la suite du programme du CAD, que vous pourrez trouver sur notre site ainsi que sur notre page Facebook.

ascaso-durruti.info/

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