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Plus on me dit de faire une chose et plus je fais l'inverse, c'est une sale manie qui me poursuit.
Abstentionniste a priori convaincue, l'extrême droite au deuxième tour m'a apeuré. Alors que la situation résultait de l'expression massive d'un ras-le-bol et d'un rejet de la politique telle qu'elle était menée, il ne fallait pas compter sur une abstention massive.
Il m'a semblé alors évident de laisser tomber mes principes pour participer au  barrage de l'extrême droite, consciente que je donnerais ma voix à une droite extrême contre une extrême droite. La participation au deuxième tour pour le FHaine devait être sa seule victoire, il ne m'était pas possible d'imaginer les idées xénophobes de Le Pen suivies à 40%.
La peur que j'ai des néonazis a resurgi et je voyais déjà les conséquences d'un tel plébiscite.

Je pensais aux copains en situation irrégulière ou précairement régulière, à la peur même pour aller chercher leur pain, de tous ceux pour qui leur seul visage allait devenir la cause de leur perte.
Même si je ne me sentais pas particulièrement en danger, je repensais à ce flic qui quand j'avais 16 ans avait contrôler mes papiers dans la rue mais pas ceux de ma copine (plus blanche de peau? nez plus fin?), ou à ceux qui dans un restaurant ont contrôlé tout le
monde sauf un copain (Kader) et moi (ils cherchaient un bien blanc), ou encore à celui-ci,
quand j'ai eu besoin de refaire mes papiers d'identités, qui avec un accent antillais me demanda cinq fois si j'avais la fiche individuelle d'état civil de nationalité française et qui à chaque fois me disait :"mais Antarakis ce n'est pas français...", à tous ces personnels zélés de magasin qui ne pouvaient s'empêcher de me suivre... Je connaissais le délit de faciès alors que mon visage trahit simplement que mes ascendants ne sont pas originaires des nordiques blonds aux yeux bleus. Comment ne pas penser à cette femme qui récemment, dans un village à côté, s'est faite frapper devant les yeux de sa fille par quatre ou cinq types sans bombers et rangers, simples pères de famille bien fachos à qui sa couleur de peau ne
plaisait pas, à ce jeune qui s'est fait tabasser par des contrôleurs de bus qui avaient
décidé de s'en faire un même si celui-ci était en règle, sans oublier tous ceux qui en sont morts, les histoires qui ont fait la une des journaux ?
Ils l'ont fait, et ils le font mais ne le feront-ils pas plus encore si quelques chiffres leurs permettent de se sentir en force ?

 Oui ma peur des fachos est grande et a pris corps plus particulièrement ces jours-ci puisque la France entière crie aux loups. Alors c'est sûr, j'en discute, je bataille, on s'engueule mais j'irais voter pour l'autre.

Mais je me dis qu'ils sont gonflés de crier aux loups aujourd'hui d'une même voix, alors qu'ils s'en sont tous accommodés jusqu'ici, alors que tous ont repris pour leur compte les inquiétudes des électeurs lepénistes: la sécurité qui rime si bien avec immigré.
 Messier et Antoine Seillère prennent part au Front républicain, ma peur  persiste mais se stigmatise un peu moins sur Le Pen et ses nazillons.
 Je manque m'étouffer quand j'entends les cadres du PS dirent qu'ils ont compris le message et qu'ils auraient dû traiter plus tôt la question de la sécurité.
 Je vocifère quand j'entends les médias et autre bien-pensants dire qu'on en est là à cause des abstentionnistes.
Plus les jours passent et plus tout ce que j'entends ne me donnent pas envie d'aller voter. Mais je persiste malgré tout, je pense à ce pourcentage qu'il faut faire baisser.
 La droite extrême se prépare à sa victoire et commence à envisager sa composition; eux aussi ont compris le message et puisent dans le panier à crabes des réacs et fachos de tous poils.
 Je continue à penser qu'il faut aller voter.
 Pourtant, je bous quand toute réflexion sur ce qui fait véritablement le lit du front national n'est menée nulle part et qu'au contraire on désigne des boucs émissaires que tout un chacun s'empresse de montrer du doigt: si tu ne votes pas tu donnes une voix à Le Pen,
abstention piège à con et même abstentionniste collabo.

Personne n'a la solution, ceux qui vont aller voter veulent crier non à Le Pen mais j'ai l'impression qu'il y a un double vitrage et qu'en face on lit sur les lèvres cette seule phrase évidente sans tenir compte de tout ce qui se dit à côté.
Alors petit à petit, plus je les entends et plus une voix me susurre: élections pièges à cons.
Quinze jours d'hésitation, de colère et de réflexion qui me ramènent au même dilemme...
Le 5 mai au matin, toujours dans le doute, c'est certainement ce "allez votez" (supplication, conseil ou ordre) qu'ils hurlent tous d'une même voix qui me fera prendre ma carte d'électeur et me diriger vers le bureau de vote.

Oui mais voilà, c'est aussi cette sale manie selon laquelle plus on me dit de faire une chose et plus je fais l'inverse qui me fera rebrousser chemin.
Soulagée de ne pas avoir obéi, c'est avec plaisir que je suis allée avec d'autres en haut du Pic St Loup pour supplanter à la croix un drapeau noir symbole de l'expression, de tous ceux qui étaient là (ayant ou non voter) et d'autres à n'en pas douter, que ces élections sont pures supercheries et ne nous représentent en aucune façon.
Mais aujourd'hui, je sais que ceux qui sont allés votés et ceux qui n'y sont pas allés sont, dans tous les cas, prisonniers du même piège à con.

 Céline
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> Le tango des élus:
> "Et dire que chaque fois que nous votions pour eux
> Nous faisions taire en nous ce cri: Ni dieu, ni maître!
> Dont ils rient aujourd'hui puisqu'ils se sont fait dieux
> Et qu'une fois de plus nous nous sommes fait mettre!" Renaud Séchan