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Quoi de plus déraisonnable, un anarchiste qui appelle à voter chirac* ou un maghrébin qui vote le pen*? je ne saurais pas dire. Les élections ont quelque chose de délirant, de débilitant. Elles font perdre la tête.
Le vote pour le pen et le vote pour chirac furent pour beaucoup un vote de peur. Pas de protestation, pas de conviction mais de peur. C'est la peur qui a fait courir nombre d'électeurs, peur d'être confondu avec d'autres: peur de l'autochtone pour l'étranger, peur du citoyen pour le sans-patrie.
Telle est la peur infantile de pardre la mère protectrice et/ou le père sévère. La mère-patrie est en danger: aux urnes citoyens, la nation et la république nous appellent au Devoir. Peut-on accabler de reproche cette conduite? Non, mais il convient de l'analyser.
Nous sommes tous des enfants sans pouvoir. Il n'est pas étonnant que beaucoup se tournent vers une mère, si possible virginale, comme Jeanne ou comme Marianne, ou vers un père sévère si possible sécuritaire, type Superman. En outre, la peur conduit au grégarisme qui apporte le réconfort aux éffrayés. Le grégarisme a de beaux jours devant lui et le métissage est remis à plus tard. L'idéal national, l'idéal républicain distillent la peur de l'autre. Même parmi les libertaires la peur d'une solution autoritaire au libéralisme s'installe sous la forme d'un front républicain ou d'un mépris du peuple. Jamais, la classe politique n'a été aussi déconsidérée, et c'est tant mieux. Jamais, les solutions policières n'ont été autant plébiscitées, et c'est grave. Pourtant, c'est bien vers ces électeurs aussi qu'il faut nous tourner pour concevoir avec eux un autre futur, et d'autres voies d'accès aux règlement de la vie commune.
Oui, aujourd'hui nous ne sommes politiquement rien. Mais que sont nos élus? Pas grand chose, et le peu, ils nous le doivent par le choix que nous faisont d'eux pour être nos représentants. Nous avons élu des représentants, et nous en élirons encore, mais des représentants de qui? Les représentants, bien sûr, des états-majors non élus de la finance, de l'industrie, des médias et des lobbies de toute sortes. Certs le marché et les institutions mondiales non élues ne suppriment pas la démocratie représentative (ils la favorise même) mais la prive de tout contenu. Seuls les formes et les rituels sont conservés. Le citoyen participe à l'office. L'électeur se hisse à la fonction d'officiant. Quel progrès pour celui qui n'est rien! Enfin, il lui est permis de monter sur scène... comme figurant, certes, mais c'est déjà quelque chose pour lui. Il ne comptait pour rien, à présent il compte une voix!
Les élections tiennent à la fois du divertissement, de la diversion et de l'embrigadement. Le divertissement. Participer au scrutin d'une élection c'est comme participer aux éliminatoires de La Star Academy. La diversion. Non seulement le pouvoir du peuple est illusoire mais celui de ses représentants aussi. Le pouvoir des élus est pour l'essentiel impuissant. Le Pouvoir ne peut rien, sauf à nous occuper et à masquer ainsi les maîtres de la planète. L'embrigadement. Le libéralisme cherche notre adhésion à sa politique par le choix que nous faisons de ses agents. L'élection de ceux-ci est la manifestation officielle, et le contrat, de notre servitude volontaire.
J'admire l'abnégation de ces militants politiques qui vont combattre demain ceux qu'ils ont installés hier à la tête de l'Etat. Il faut croire que de figurer au générique du spectacle leur appote suffisamment de satisfaction.
Quant à moi, entre chirac et le pen, j'ai bien vu des différences mais pas de choix. La liberté commence modestement par le fait de ne pas choisir ses maîtres, de ne leur conférer aucune légitimité. Certes la liberté ne s'épuise pas dans et par cette abstention mais ell commence par le refus d'élire. Je ne demande pas aujourd'hui à quiconque d'ébranler les pouvoirs tyranniques du libéralisme mais de ne plus faire de ses représentants ses élus.

Michel Negrell, 26 mai 2002


*NB: Seuls les noms propres prennent une majuscule.
La Boétie:"Or ce tyran seul, il n'est pas besoin de le combattre, ni de l'abattre. Il est défait de lui-même, porvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s'agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner". "Ce sont les peuples eux-mêmes qui se laissent ou plutôt qui se font malmener, puisqu'ils en seraient en cessant de servir". "Je ne vous demande pas de pousser (le tyran), de l'ébranler mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre".
"SOYEZ RESOLU A NE PLUS SERVIR ET VOUS VOILA LIBRES"