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REPONSE A JEAN GILBERT SUR LES ELECTIONS PRESIDENTIELLES.

1- Explications : la proposition de débat lancée sur Internet répond à un texte préalable de Ronald le 24 avril (et J Jacques et Danièle) ; leurs arguments et le succès de Le Pen m'ont fait prendre, peu à peu, la décision de réunir les pour et les contre, sachant bien les difficultés de la chose. De plus, lors du spectacle de Villanova au bénéfice du C.A.D., un échange entre certains individus sur la conduite à tenir lors des prochaines échéances électorales m'a permis de constater trois positions à ce sujet : - je vote Chirac par peur de Le Pen ; - je vote blanc ou nul car la situation est grave ; - je m'abstiens car si la situation est grave, elle ne l'est pas au point de voter pour le candidat de la Démocratie et nécessite une réponse sur le terrain social.
Comme tu reçois les cr de réunion du C.A.D. (je supppose), tu n'ignores pas que nous nous rencontrons chaque année le 1er mai. Voilà qui explique simplement pourquoi je n'ai pas eu la prétention de réunir les 4 ou 5 organisations dont tu parles, ni d'instaurer un forum officiel, ce qui m'importait avant tout étant de faire la clarté entre nous, membres du C.A.D., c'est-à-dire non encartés. Voilà pourquoi j'ai tardé 48h à t'envoyer mon texte, chose que j'ai pu réaliser grâce à Rémi, seule personne à avoir accepté ma proposition, car le 1er mai personne d'autre ne l'avait fait et, le mauvais temps aidant, je n'ai pas jugé utile de participer à la rencontre prévue à Bessille.
Passons à ma propre démarche : 1- je me suis dit que voter Chirac au 2ème tour, puis dans la foulée la gauche aux législatives, (à la fois pour annuler le vote Chirac et pour empêcher le F.N. de surfer sur les résultats de son président), nécessitait pour le moins une réflexion préalable. Accomplir un tel acte, en totale contradiction et avec mon système de valeurs et avec mon action sociale de 30 ans, ne pouvait se faire en tant que réaction purement émotionnelle. Elle pouvait se faire à titre d'urgence absolue, d'acte de survie ponctuelle pour éviter le pire, momentanément. Il me fallait donc vérifier si ce pire était certain ou probable. Pour ce faire une analyse du vote au 1er tour était indispensable. Ce que j'ai fait, à chaud, alors que je ne connaissais le lendemain que 98% des dépouillements.
Je l'ai donc proposé au débat, de façon certes succinte mais pas si erronée que cela, simplement pour indiquer que -contrairement à certains qui alléguaient une flambée de l'extrême-droite- l'examen des faits ne montraient pas le caractère impératif de voter.
Comme on peut maintenant en juger, ce ne sont ni des considérations purement électoralistes, ni des discussions de politologues de salon qui m'ont motivé, et pas d'avantage l'abstention parallèle des électeurs de droite et de gauche et une vision organisationnelle, historique et de type partidaire. Il va sans dire qu'aux prochaines élections par exemple, et si le phénomène politique de montée de l'extrême-droite continuait dans le même sens qu'aujourd'hui, je pèserais en conscience le pour et le contre pour aller ou non déposer mon bulletin de vote. Toutefois, je saurais à l'avance que cet acte individuel (ainsi que celui de tous les révolutionnaires au sens large qui s'abstiennent d'habitude de participer au jeu électoral) n'aurait aucun effet arithmétique sur le résultat. Je n'aurais garde d'oublier que participer à une élection droite contre extrême-droite c'est aussi tomber dans un piège où, en filigrane, on défend malgré soi le capitalisme bourgeois contre le fascisme populiste. Sale histoire… Cest pourquoi j'ai tenu à distinguer entre le sauvetage de la République- et de ses valeurs acceptables pour tous les critiques de la Démocratie, les alternatifs, autogestionnaires, solidaires, fraternels, libertaires, etc.- et entre le sauvetage de la démocratie parlementaire qui s'est mise elle-même dans un pétrin d'où il nous faudrait à toute force l'en sortir.
2- Les vraies questions que je me pose : compte tenu des moyens dont dispose la mouvance libertaire,
1 : même un insuccès électoral de l'extrême-droite ne sera pas un coup d'arrêt pour elle, c'est-à-dire pour la propagation de ses idées et de son programme sociétal. Donc, ne faut-il pas, dans un premier temps et puisque urgence il y a, faire une unité locale des libertaires contre ces dangers du type de comité de vigilance ?
2 : les actions militantes quotidiennes, que j'ai évoqué rapidement dans mon texte précédent (voir texte d'infozone sur Internet pour plus de détails), ne sont pas à négliger sachant bien qu'elles ont toujours existé si j'ose dire, mais que (pour ne s'en rapporter qu'à la période 1984-2002 corrélative de la montée lepeniste) elles ont été insuffisantes ou impuissantes contre le phénomène de lepénisation des esprits. Que faire alors ? Faut-il les laisser tomber ? Certainement pas, au contraire ! Car je suis sûr que c'est principalement, bien que non exclusivement, sur le terrain social que la partie peut se gagner.
3 : les actions de persuasion par les idées ou de communication de nos idéaux radicalement opposés à ceux des fascistes, mais trop méconnus du " peuple de gauche ", peuvent se faire par l'écrit, bien que pensant personnellement que ce sont moins les idées que les émotions qui motivent les actes (cf. les recherches de la psychologie sociale). Je n'entendais pas par la les journaux ou hebdos des organisations connues, lesquels me paraîssent plus faire dans l'information ou dans le slogan que dans la réflexion. Je pensais aux revues, et pas spécialement aux françaises, qui auraient pu établir les éléments d'un débat en démontant le danger de fascisation des esprits dans l'espace européen ou en proposant une alternative libertaire nouvelle, actuelle, concrète, innovante, d'alternative au système.
4 : Il fallait prendre en considération la reconcentration des forces libertaires non pas pour bâtir une stratégie de type partidaire mais pour donner confiance aux " gens de gauche " et les agréger, ainsi que ceux qui cherchent depuis longtemps une 3ème voie ou ceux complétement perdus dans la confusion contemporaine qui sont demandeurs d'une alternative donneuse de sens ! Dans cet état d'esprit, la proposition du 22 mars 2000 (le groupe Bakounine de la F.A. qui en a été l'un des principaux instigateurs vient de se prononcer pour le vote Chirac), pouvait servir de rampe de lancement à un changement radical de nos attitudes et de nos actes pour être en phase avec les " vrais gens qui font la société d'aujourd'hui " (et celle de demain on l'espère). Tu n'as pas manqué Jean-Gilbert -comme moi et quelques-autres dans l'Hérault- de signer cet appel. C'est donc que tu n'y étais pas hostile tout en ne ressentant pas -comme moi et d'autres dans l'Hérault- le besoin d'appartenir à une organisation existante. Je te signale à cet égard que je n'appartiens plus à la CFDT interprofessionnelle depuis 1981 et à la FA depuis 1986, seules organisations auxquelles j'ai appartenu. Par contre, comme tu ne l'ignores pas, j'ai adhéré au Comité pour les Journées Libertaires et au Centre Ascaso Durruti car ils ont été créés en dehors de toute organisation et pour fédérer les énergies locales des individus. C'est dire combien tu me soupçonnes à tort ! Et, ainsi 5 : j'ai souvenir qu'en 81 tu as déclaré publiquement dans la presse locale : " j'abandonne là ma parano gauchiste " pour donner quitus à la gauche de gouvernement et créer ton entreprise. À l'époque tu fondais ton attitude sur des résultats électoraux, chose qu'apparemment tu répètes aujourd'hui… Ceci n'est pas un geste d'animosité contre toi mais un regret que le temps n'ait pas modifié ton comportement, notamment celui consistant à cracher sur les organisations existantes (tu ne sembles pas avoir fait le deuil de ton exclusion de la FA dans les années 68) alors que cela fait obstacle à l'unité locale des libertaires en un temps où le besoin s'en fait cruellement sentir ! S'il faut utiliser tous les moyens -y compris le bulletin de vote- contre la fascisation des esprits, l'union des anti-autoritaires de toute provenance n'est certainement pas un moyen à écarter.
Dans cet ordre d'idées, je veux croire avec toi que ce débat ne sera pas clos (encore faut-il que d'autres l'enrichissent sans esprit partisan, par exemple sur le forum de VAP que je te remercie d'avoir réouvert ) et que la lutte n'est pas finie.

Gem. 2 mai 2002.