Triste nouvelle : Tristan CABRAL, qu’un certain nombre d’entre nous connaissaient, est décédé ce 22 juin à Montpellier.
Il a été adhérent du CAD pendant quelques années.
Extrait de « Requiem en Barcelona » Un poème d’AMOUR
Tristan Cabral,
est un poète hanté – il vit avec des morts, et leur redonne vie, tandis qu’il perd – ou plutôt qu’il sacrifie la sienne :
dans un parfait parallélisme, une tentative de suicide par naufrage provoqué en 2004 clôt le livre de Juliette, dans lequel il évoque sa
mère et sa jeunesse, tandis que la « naissance » du poète Tristan Cabral, et son premier recueil, salué par la critique, prétend être
l’oeuvre posthume d’un poète nommé Tristan Cabral, oeuvre recueillie et présentée par le préfacier, un certain Yann Houssin, a été pasteur et professeur
de philosophie…
Peut-on faire plus belle entrée dans le monde des mots qu’en s’annonçant déjà mo(r)t – en s’attribuant le prénom de Tristan, comme dans la
légende d’Yseult – Yseult-Juliette, la toujours aimée, et le patronyme de Cabral, en hommage au révolutionnaire guinéen Amilcar Cabral ?
Les deux axes de la vie – et de l’inspiration, intimement mêlées – du poète sont dés ce moment tracés.
Yann Houssin, est né à Arcachon le 29 février 1944, dirait-on de façon prosaïque. « Né d’une erreur entre le vent et la mer » dira son double,
Tristan Cabral – et des amours de Juliette et d’un médecin militaire allemand, dans une période troublée par les passions. Ce qu’elle paya très
cher : femme tondue par les excès de l’épuration à la Libération, elle apparaît fantôme éternellement saisie dans sa promenade avec l’enfant,
sur ce chemin des immortelles le long du mur de l’Atlantique où l’évoque Tristan, ou dans le silence et la honte de la maison Florida, avec
deux autres enfants nés d’un triste mariage de convenance, dans le souvenir de l’amour jamais effacé pour l’homme qui, de son côté, a refait
sa vie au point de ne reconnaître pas Tristan lorsque ce dernier tentera de le retrouver…
On porte certains souvenirs comme une croix, ils vous survivent comme ces fleurs séchées cueillies autrefois dans le sable… Les dire ou
les écrire n’en délivre pas, et il faudrait « ne pas rater son naufrage » comme l’écrit le poète… Ne pas rater cette sortie, qui vous
amène dans les lieux évoqués au fil de H.D.T, où les souvenirs recueillis de tous les exclus de la vie, les aliénés, les méprisés,
les exploités, les bafoués… bourdonnent et répercutent l’insupportable existence de toutes les injustices : “Le RÉEL est un CRIME PARFAIT”
(p.25)
Tristan Cabral n’est pas un poète lyrique penché sur sa douleur : il vibre pour l’homme accablé par un destin injuste, se range auprès
des opprimés, parcourt le monde, soutient les mouvement révolutionnaires, et fera même de la prison en 1976, pour avoir « participé à une
entreprise de démoralisation de l’armée française »…
Si le Recours au Poème a un sens, plus que jamais, comme nous le croyons, c’est à travers des voix comme celle de Tristan Cabral –
voix insoumise même au profond de la souffrance et de la misère – qu’il faut les écouter, et les transmettre.